Enregistré à Londres le 21 mars 2001, Electrically Driven est un album live qui a la particularité d'être conçu comme un bootleg, un peu à la façon du Live Bootleg d'Aerosmith. Le livret le précise, aucun overdub n'a été ajouté et ça s'entend. Electrically Driven sonne très brut et les imperfections sont évidentes, surtout au niveau des guitares avec quelques pains à signaler, et aussi le chant avec quelques fausses notes par moments. Les choeurs également ne sont pas toujours parfaits. Mais c'est du live et forcément, les musiciens ne peuvent pas se démener sur scène comme des fous tout en ayant un jeu aussi propre qu'en studio.
Electrically Driven fait office de bootleg officiel, et donc heureusement, le son n'est pas merdique comme si ça avait été enregistré dans le public. Le son est même excellent, meilleur que sur Spellbinder et live à Moscou. La set list tourne plutôt à l'avantage des vieux classiques. Vu qu'il n'y avait de la place que pour un seul CD, alors il a fallu zapper certains titres du live. Pour avoir une set list complète d'un autre concert de cette tournée, contenant autant d'anciens que de nouveaux titres, c'est le double live Future Echoes Of The Past qui est indispensable (qui lui a un son bien plus propre et travaillé, à l'inverse de celui-ci). Mais il y a quand même quelques titres récents ici, contrairement à Spellbinder qui contenait surtout des vieux titres. Un titre seulement de Sea Of Light (Universal Wheels) et deux de Sonic Origami (l'excellent Between Two Worlds et le plus dispensable I Hear Voices).
Et toutes les facettes du répertoire d'Uriah Heep sont représentées : heavy metal avec des versions ultra puissantes de Bird Of Prey, Gypsy et Easy Livin', sans oublier le plus récent Universal Wheels, digne de figurer parmi les classiques tellement il a fait ses preuves en live. Avec Return to fantasy et Sunrise, un choix plutôt risqué, de même que July Morning, très axé chant, tout ça aurait pu être casse-gueule et pathétique, mais c'était sans compter sur Bernie Shaw, le seul chanteur capable de faire honneur à la légende David Byron (même John Lawton dans les années 70 avait du mal avec les titres de la période Byron). Les progrès accomplis par Bernie Shaw sont vraiment bluffants. Lorsqu'il avait intégré Uriah Heep en 1987, sa voix était très éraillée, limite nasillarde, et elle sonnait comme celle d'un chanteur banal de hard FM. Mais depuis, il a appris à moins forcer avec sa voix et à la moduler davantage, le résultat est tout autre.
A l'écoute de July Morning, on se dit quand même qu'il manque quelque chose ou plutôt quelqu'un. La touche Ken Hensley est inimitable et Phil Lanzon aux claviers fait ce qu'il peut à son niveau pour le faire oublier avec quelques solos bien sentis, dans l'esprit Hammond. David Byron est quasiment impossible à remplacer sur un titre pareil, il y a des chansons intouchables comme ça. Alors Bernie Shaw a beau faire de son mieux, ça n'aura jamais la même saveur d'antan, surtout au niveau des choeurs. Ça sonne quand même bien mieux que les dernières versions live de Child In Time par Deep Purple. Par contre, Sunrise, pourtant ardu à reprendre aussi, passe admirablement bien et y gagne même en puissance. Quant à Return To Fantasy, les sons vieillots des claviers manquent, Phil Lanzon n'a pas essayé d'imiter Ken Hensley sur ce coup-ci. Les titres épiques sont bien les plus durs à reprendre, les moins évidents à faire sonner en live, d'autant que le groupe ne triche pas. Ils pourraient recourir à l'utilisation de samples par exemple, comme le font tant d'autres.
Uriah Heep est par contre complètement à son aise sur les vieux classiques rock qui se transforment en véritables boulets de canon. Ceux qui croyaient qu'Uriah Heep est trop mou n'ont qu'à se manger les versions intenses d'Easy Livin' et Universal Wheels et on en reparle après. Ian Anderson de Jethro Tull apparaît en tant qu'invité avec sa flûte enchantée sur trois titres, pour la partie acoustique du show : sur les ballades Come Away Melinda, Circus et sur l'enjoué Blind Eye. Inutile de dire que ces versions sont sublimes, et la flûte leur donne même une nouvelle vie. On pourrait presque croire qu'il s'agit de reprises de Jethro Tull. Electrically Driven est le meilleur live pour présenter ce que le line-up actuel d'Uriah Heep a de meilleur, et de plus sincère aussi (puriste du son et de l'interprétation sans défaut, s'abstenir). Le parfait complément du Live 73 en quelque sorte.
Note : 5/5